brand new (world) time ▹ sunny

›› @bo foster

Elle est en retard, Sunny, mais elle ne presse pas le pas pour autant. C’est pas comme si son patron allait l’engueuler, de toute façon – il est bien trop content qu’elle puisse assurer les après-midi et les soirées pour penser à lui faire remarquer tous ses retards. Et, dans le pire des cas, ce n’est rien qu’une petite potion puisse lui faire oublier (pas que ce soit bien recommandé mais la Queen est toujours là pour s’assurer qu’il n’y ait pas de retombées quand Sunny décide d’enfreindre quelques règles). Et comme elle n’est plus à un retard près, ni même à une ou dix minutes près à ce stade-là, elle décide de traverser le parc, profite des derniers jours d’été et de l’absence de pluie pour traînasser vers les coins de verdure, les mains enfoncées dans les poches de son petit blouson et le regard survolant les arbres pour se perdre dans le bleu du ciel. Elle pressent la journée calme à la boutique – la nuit probablement tout autant et ce n’est pas pour la motiver. Et comme si ça ne suffisait pas, le temps passé à la boutique est du temps de moins passé à enquêter sur ce foutu witch hunter ; et même si l’inspecteur Harding lui a promis qu’il avancerait l’enquête de son côté et qu’il la tiendrait au courant de ses découvertes, elle n’est pas encore complètement sûre de pouvoir lui faire confiance. Voilà ce que c’est que de vouloir jouer les citoyennes modèles et de prendre un job après les cours, well done Sunny.

Parvenue au niveau de la fontaine, son attention est attirée par la silhouette qui semble barboter dans l’eau de celle-ci. Les sourcils se froncent, le nez se plisse. Uh-oh. Petit coup d’œil à droite et à gauche, pas de gardien en vue, Sunny, elle est tentée de se tirer et de laisser la timbrée (parce qu’il faut avoir une case en moins pour vouloir tremper les pieds dans la fontaine du parc, c’est la meilleure solution pour chopper quelques bactéries et probablement la mort, aussi) mais il y a quelque chose, dans l’attitude de la jeune fille qui l’oblige à rester. Bah, elle est déjà en retard, elle peut bien aggraver son cas. Bras croisés, la vaudoo witch penche la tête sur le côté, toujours à bonne distance. « J’suis à peu près certaine que t’es pas censée prendre de bain dans un espace public. » Quoique, ça pourrait marrant à voir si les flics débarquent – une petite cavale dans les rues d’Oak Valley, de quoi mettre un peu d’ambiance et de l’action qui soit moins morbide que de voir ses sœurs se faire assassiner par un crétin.

›› @bo foster

L’étrangère a l’air perdue, vexée peut-être, Sunny n’en est pas tout à fait certaine. Elle a les bras ballants, la sorcière, un rictus flottant sur ses lèvres quand l’autre s’excuse – sans comprendre pourquoi il lui faut tant de mots pour s’expliquer, pourquoi elle cherche à se justifier. Sunny, elle n’est pas là pour la faire arrêter (hell, elle est là parce qu’elle s’ennuie et que l’idée d’aller bosser ne l’enchante pas tellement, ce soir, alors elle traîne autant qu’elle le peut). « Oh, moi j’ai rien contre, j’vais pas t’empêcher de faire ce qu’il te plaît. Mais si le gardien du parc débarque, tu risques d’avoir des ennuis et… » Et rien, parce qu’en vérité, elle s’amuserait bien de voir quelqu’un d’autre avoir des ennuis. « Et ils finiront sans doute par te faire enfermée, » conclue-t-elle finalement avec un haussement d’épaule qui se veut détaché, la voix égale. Elle vient pourtant de remarquer la tenue un peu vieillotte (pour être polie) de la jeune femme et Sunny, elle doit se mordre la lèvre pour ne pas ricaner. La tenue, en soi, est plutôt sympa, elle le reconnaît ; elle semble juste sortie d’un dressing d’un film sur les siècles passés et ne peut qu’attirer l’attention sur elle – alors si, en plus, elle saute dans les fontaines. Ses yeux bloquent sur les pieds, entièrement nus, de l’inconnue. « Euh… T’as perdu tes chaussures ? » Ou peut-être qu’elle a déjà une chambre dans un institut proche, peut-être qu’il est même préférable qu’elle y retourne – mais quand la vaudoo witch relève son regard sombre et qu’elle croise celui de la jeune femme, elle sait que la folie n’est pas la cause de tout ça. Un instinct, peut-être, les voix des morts qui lui soufflent qu’il y a une histoire derrière cette tenue des plus excentrique et de ses pieds non chaussés. « Est-ce que t’as des problèmes ? » Elle plisse les yeux, consciente que divers scénario peuvent être à l’origine d’un tel comportement – et le premier qui lui vient est digne du meilleur bouquin policier tandis qu’elle imagine déjà l’inconnue s’être enfuie d’un placard à balais où elle vivait enfermée depuis l’enfance, maltraitée par une famille aigrie. Peut-être qu’elle devrait appeler Maxym – oups, le détective Harding, qu’elle se corrige parce qu’ils en sont, clairement, pas encore là dans leur relation, first name bases, elle lui fait pas encore totalement confiance, au flic.